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Julio 2008 - Vol. 2 (2)
ISSN 1995-1078
 
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Ecobilan d’agents énergétiques: Évaluation écologique de biocarburants (rapport final)

Rainer Zah, Heinz Böni, Marcel Gauch, Roland Hischier, Martin Lehmann, Patrick Wäger


Document de synthèse

La raréfaction des sources d’énergie fossiles et la question du réchauffement climatique ont cristallisé l’attention de l’opinion publique suisse et des représentants de l’industrie autour de l’utilisation des sources d’énergie renouvelables. A l’heure actuelle, les carburants produits à partir de biomasse, également connus sous le nom de biocarburants, constituent la source d’énergie renouvelable la plus répandue et peuvent, tout au moins à court et moyen terme, contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et notre dépendance face aux énergies fossiles.

Sensible à cette situation, la Suisse compte bientôt prendre des décisions politiques importantes afin de proposer des exonérations fiscales pour l’utilisation de carburants renouvelables plutôt que le diesel ou l’essence.

Bien que les biocarburants soient issus de matières premières renouvelables, leur culture et leur transformation peuvent causer toute une série d'atteintes à l'environnement, allant de la surfertilisation et de l'acidification du sol agricole, à la perte de la diversité des espèces du fait du brûlis des forêts pluviales. En outre, le développement de la production énergétique agricole est en concurrence avec d'autres formes d'utilisation du sol, telles que la production de denrées alimentaires ou la conservation de zones naturelles. On ne peut donc procéder dresser un écobilan global des biocarburants avec pour seuls indicateurs l'efficacité énergétique et les réductions des gaz à effets de serre.

La présente étude est consacrée à l’évaluation des effets sur l’environnement de l’ensemble de la chaîne de production des carburants produits à partir de biomasse utilisés en Suisse. Elle fournit d’une part une analyse orientée vers l’action des effets possibles des biocarburants sur l’environnement et elle établit d’autre part un écobilan global des différents biocarburants qui peut être utilisé comme base pour la détermination de leur exemption de l’impôt sur les huiles minérales. Par ailleurs, elle compare aussi les effets de l’utilisation des carburants avec ceux d’autres formes de l’utilisation des bioénergies telles que l’électricité et la chaleur.

Méthodologie

Afin de pouvoir évaluer le plus précisément possible les incidences des biocarburants sur l’environnement, nous avons utilisé la méthode de l’écobilan. Nous avons donc étudié simultanément la quantité d’énergie et de ressources nécessaires à la réalisation d’un exercice défini (par exemple, remplir un réservoir d’1 MJ d’énergie dans une pompe à essence suisse) et les rejets d’émissions de substances nocives qui y sont liés. Les données nécessaires à l’étude ont été collectées dans le cadre d’un projet préalable puis complétées par des informations supplémentaires issues de la banque de données suisse d’inventaires environnementaux (ecoinvent 1.3). D'une part, nous avons déterminé les effets sur l’environnement à l'aide d'indicateurs orientés vers l'action qui décrivent les incidences environnementales immédiates et qui permettent d’élaborer des mesures potentielles. D’autre part, nous avons dressé un écobilan global, en pondérant et en agrégeant les effets des diverses substances nocives afin d'en évaluer les effets combinés sur l'environnement (voir schéma 1). Il faut noter que les méthodes d'évaluation agrégées (ici MSE 06 et eco indicator 99) précèdent la pondération des différentes incidences environnementales (par exemple, les gaz à effet de serre par rapport à la surfertilisation). Pour le choix d’une politique, il est donc essentiel de ne pas se fonder uniquement sur la présente étude, mais de tenir compte également, au cas par cas, des indicateurs individuels fondamentaux orientés vers l’action.

Nous avons comparé les sources d'énergie renouvelables produites en Suisse et à l'étranger en nous limitantà celles utilisées dans la Confédération. L'évaluation suit tout le cycle de vie (elle va «du berceau au cercueil»): toutes les incidences environnementales pertinentes, depuis l'exploitation de la biomasse au rejet de déchets biogènes en passant par l'utilisation énergétique, ont ainsi été considérées. Nous avons choisi l'année de référence 2004, tout en intégrant le cas échéant des données plus anciennes ou plus récentes.

Pour les matières premières renouvelables, il est essentiel de considérer l’existence des sous-produits: lors de la fabrication de certains biocarburants visés par la présente étude, des produits dérivés peuvent en effet être créés. Il faut donc ventiler les conséquences environnementales entre les différents éléments. Ainsi, les intrants en matière première et les incidences sur l’environnement de la pression du colza doivent être répartis entre huile de colza et tourteau de colza. Lors des précédents recueils de données, cette répartition s’opérait généralement à l’aune de critères économiques: les émissions étaient donc distribuées par produit, selon leur part dans le revenu total.

Limites de nos travaux

La méthode choisie autorise une comparaison globale des sources de bioénergie tout au long de la chaîne de production. Pourtant, l’interprétation de ces résultats se heurte encore à certaines limites:

  • La méthode de l’écobilan analyse les conséquences environnementales des flux de matières premières et d’utilisation d’énergie. Aucune interprétation portant sur les facteurs économiques, comme les coûts, ou sociaux, comme le travail des enfants, ne peut cependant être formulée.
  • Bien que la méthode de l’écobilan soit très complète, certaines incidences sur l’environnement ne sont pas envisagées, ou seulement partiellement. Ainsi, les conséquences de l’utilisation de l’eau ne sont pas évaluées, car largement dépendantes des conditions locales (niveau des précipitations et des nappes phréatiques etc.). L’évaluation des pertes en biodiversité reste également encore parcellaire car les données manquent, notamment pour les écosystèmes tropicaux.
  • Dans le cadre de la démarche choisie, l’écobilan, seuls sont étudiés les effets environnementaux primaires de la chaîne de production: la consommation énergétique et l’émission de substances nocives lors de la culture du colza destiné à la production d’énergie par exemple. Les incidences secondaires ne sont en revanche pas envisagées. (Auparavant, les surfaces exploitées pour ce type de colza servaient à la production de denrées alimentaires qui doivent désormais être importées. Cela induit naturellement une recrudescence des transports et de fait, davantage d’effets nocifs sur l’environnement).
  • Pour la biomasse provenant de cultures (céréales, pommes de terre, etc.), il n’est pas opéré de distinction entre les excédents de récoltes et la biomasse cultivée à des fins de production de carburant. Il n’est pas distingué non plus si les surfaces cultivées l’étaient déjà ou si elles étaient auparavant à l’abandon ou en jachère, il n’est donc pas tenu compte non plus des effets également différents sur l’environnement d’un changement possible d’affectation des sols.
  • Les résultats présentés reposent essentiellement sur les chaînes de processus existantes (données de 2004), sans projections du futur. Des perspectives quant à l’évolution future sont fournies par les analyses de sensibilité et les potentiels d’optimisation, une approche qui tient compte de la méthode ici utilisée.
  • Les résultats de la présente analyse demandent un réexamen ultérieur, car ils ne sont pas «gravés dans la pierre»; de nombreuses allocations sont en effet calculées à partir de chiffres de vente, qui reflètent la dynamique des marchés.
  • Les chaînes de processus analysées ne constituent qu’une partie de tous les processus de fabrication; il serait possible d’en analyser de nombreuses autres. Les chaînes ont été sélectionnées pour leur pertinence pour la situation du moment en Suisse.
  • Les données sur lesquels se fonde le présent rapport sont des moyennes des pays et zones de production (Suisse, Europe, Brésil, Etats-Unis, etc.); elles s’appliquent à toute la Suisse pour ce qui est de l’utilisation. Il n’est donc pas possible d’appliquer tels quels les résultats à des régions ou des exploitations déterminées. Les effets sur l’environnement d’une situation ou d’une exploitation données peuvent en effet s’écarter fortement de la moyenne.
  • La présente étude exclut la question des conséquences d’un passage aux carburants renouvelables, sur l’environnement par exemple, dans le cas de cultures intensives à des fins de production d'énergie qui entraîneraient une intensification de la production agricole, ainsi que celle d’un rebond. Un tel rebond pourrait prendre la forme d’une augmentation de la consommation des carburants après le lancement de biocarburants, car les consommateurs, qui pourraient considérer ceux-ci comme respectueux de l’environnement, ne verraient pas de problème à en consommer plus.

Où se situent les atteintes à l’environnement le long de la chaîne de production de valeur?

L’Illustration 2 présente la répartition des émissions de gaz à effet de serre le long de différentes filières de production de bioéthanol, de biodiesel, de méthanol et de méthane. Il apparaît ainsi que des économies allant jusqu’à 80 % sont possibles par rapport aux carburants fossiles selon le biocarburant et la filière de production. Mais de grandes différences sont possibles le long de celle-ci, en effet:

  • La majorité des gaz à effet de serre sont émis par l’agriculture (Illustration 2, vert): utilisation de machines, de fertilisants et/ou de pesticides, mais aussi émissions directes (oxyde azoteux par exemple). Mais la proportion de ces émissions agricoles varie fortement en fonction de différents facteurs. Les principaux sont les rendements par surfaces (élevés pour la betterave sucrière CH et la canne à sucre BR, faible pour la pomme de terre CH et le seigle RER), l’utilisation d’oxyde azoteux (dont les émissions comptent pour 30 % des émissions pour le maïs US) et le défrichage par brûlis de forêt pluviale (concerne l’huile de palme MY et l’huile de soja BR). Les différences constatées d’une région à l’autre en ce qui concerne l’intensité de la déforestation de la forêt pluviale peuvent influer sur le bilan global. Mais le facteur essentiel est le mode de culture des plantes destinées à des fins énergétiques. La remarque vaut non seulement pour les gaz à effet de serre émis, mais aussi pour la plupart des effets sur l’environnement des biocarburants. A la différence des produits agricoles, les déchets, résidus et sous-produits ne consomment aucune énergie pour être produits, ce qui a un effet très positif sur le bilan global. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre les plus faibles sont celles produites par la consommation de biodiesel fabriqué avec des huiles comestibles usagées ou du méthane provenant de la fermentation.
  • La production de carburants (Illustration 2, jaune) induit en moyenne des émissions de gaz à effet de serre nettement inférieures à celles occasionnées par la production agricole. Ces émissions sont particulièrement faibles pour l’extraction d’huile et l’estérification destinées à la fabrication de biodiesel. Elles sont très variables lors de la fermentation de bioéthanol, selon que les agents énergétiques utilisés sont d’origine fossile (bioéthanol issu du maïs, US) ou qu’ils sont des sousproduits agricoles (bagasse issue de la canne à sucre, BR). Elles sont les plus élevées dans le processus de production du méthane biogène, en raison du méthane et de l’oxyde azoteux qui résultent de la fermentation secondaire des résidus fermentés et de la perte de méthane que comporte la fabrication de biogaz à un volume de 96 % de méthane. Mais l’Illustration 2 montre aussi qu’il est possible de diminuer fortement ces émissions par des mesures ciblées, par exemple en couvrant les contenants dans lesquels la fermentation secondaire se produit. Cette couverture est techniquement au point en 2007 déjà.
  • Le plus souvent, le transport de carburant (Illustration 2, orange) du pays producteur aux stations- service suisses équivaut à bien moins que 10 % du total des émissions. Son rôle en termes d’incidence écologique n’est donc guère significatif, pour autant qu’il soit fait par bateau-citerne ou pipeline.
  • L’utilisation du véhicule (Illustration 2, gris foncé) est neutre du point de vue CO2 pour ce qui est la présente comparaison des biocarburants. En effet, le CO2 libéré par la croissance des plantes a été absorbé sur une brève période.
  • La construction et l’entretien des routes et des véhicules (Illustration 2, gris clair) sont également intégrées dans la présente étude, avec un véhicule et une utilisation annuelle identiques pour tous les cas, et donc une proportion identique elle aussi. La proportion de ces émissions peut dépasser la moitié du total des gaz émis par les carburants alternatifs très efficaces comme le biodiesel résultat d’huiles usagées, de bioéthanol de canne à sucre ou de méthane de lisier.

Illustration 3 présente la charge totale qui pèse sur l’environnement, telle qu’elle résulte des calculs faits selon la méthode de la saturation écologique (MSE 06). Si les effets sur l’environnement de l’utilisation d’un véhicule (gris foncé) restent bien plus importants avec un carburant fossile qu’avec un biocarburant, les charges parfois très lourdes que la production agricole fait peser sur l’environnement peuvent compenser les effets dus à l’utilisation. Ces charges sont essentiellement, dans l’agriculture suisse ou européenne, l’acidification des sols et la surfertilisation; dans l’agriculture tropicale, ce sont la diminution de la biodiversité, la pollution atmosphérique due au défrichage par brûlis et la toxicité de pesticides – dont certains sont interdits en Suisse. La très lourde incidence environnementale de l’utilisation de pommes de terre suisses s’explique par la forte pondération de la perte de substances nutritives, celle du seigle européen par le faible rendement de cette céréale en moyenne européenne.

Faut-il importer les biocarburants?

Qu’elle soit mesurée à l’aune des émissions de gaz à effet de serre (Illustration 2) ou de la charge environnementale globale (Illustration 3), la part de la charge environnementale due au transport des biocarburants -depuis les pays d’outre-mer jusqu’aux stations-service suisses- est faible, et certains biocarburants, le bioéthanol issu de canne à sucre brésilienne notamment, présentent des évaluations aussi bonnes que les meilleurs résultats des biocarburants du pays. La raison en est que les moyens de transport utilisés, comme les bateaux-citernes et les pipelines, sont choisis pour être peu gourmands en énergie et pour leurs faibles émissions polluantes.

On est néanmoins en droit de s’interroger sur la pertinence à long terme de grandes importations de biocarburants. D’abord parce que ceux-ci pourraient être utilisés dans les pays où ils sont produits, pour y limiter la dépendance aux importations de pétrole, ensuite parce que la forte demande induit une extension rapide des surfaces cultivées pour les produire. Cette augmentation provoque à son tour une hausse des prix de l’alimentation et d’une pression accrue sur les forêts pluviales. Or dès lors qu’il y a défrichement par brûlis, le bilan de l’émission des gaz à effet de serre tout comme l’écobilan global se dégradent fortement, ce qui remet en question l’importation.

Quels sont les biocarburants les moins nuisibles à l’environnement?

Une évaluation environnementale intégrée consiste à synthétiser au mieux une série de différents indicateurs environnementaux. Pour ce faire, il faut effectuer des évaluations. Le but premier d’une défiscalisation des biocarburants est l’exploitation de leur potentiel de réduction de l’émission des gaz à effet de serre. Aussi la première exigence environnementale posée à un allègement de la charge fiscale des carburants est-elle la réduction du volume des gaz à effet de serre émis. Voici les seuils utilisés pour la présente étude:

  • Diminution de 30 % au moins des gaz à effet de serre émis par rapport aux produits fossiles de référence (essence, EURO3)

Mais cette réduction de gaz émis ne doit pas se faire aux dépens d’autres atteintes environnementales, qui peuvent être diverses dans le cas des biocarburants. Aussi une autre exigence importante de l’évaluation environnementale globale consiste-t-elle dans le critère suivant:

  • Pas d’augmentation des charges environnementales d’autres facteurs pertinents par rapport aux produits fossiles de référence (essence, EURO3)

Le résultat de l’application de ces deux critères apparaît à l’Illustration 4 (voir ci-dessous), dans l’écobilan de la présente étude: treize biocarburants entraînent une réduction de plus de moitié des gaz à effet de serre, dont cinq sont produits à partir de déchets. Les diminutions les plus importantes sont celles des biocarburants issus du lisier. Voici les autres carburants qui entraînent une réduction de plus de moitié des gaz à effet de serre: le biodiesel issu d’huiles comestibles, le méthanol et le méthane issus du bois et le bioéthanol issu soit de biomasse du pays (herbe, bois, betterave sucrière, lactosérum), soit de canne à sucre brésilienne, soit de sorgho chinois. Neuf carburants (dont quatre issus de déchets) permettent une réduction de 30 % des gaz à effet de serre. Ce sont notamment le biodiesel fabriqué à partir de divers produits agricoles (huile de soja US, huile de palme MY, huile de colza CH) et la fermentation de méthane biogène de divers déchets. Cinq carburants alternatifs enfin dégagent des gaz dans une proportion qui est inférieure de moins de 30 % à celle des carburants fossiles, voire, pour le biodiesel au soja brésilien, dans une proportion légèrement supérieure à celle de l’essence.

Les émissions de gaz à effet de serre sont corrélées avec la demande d’énergie cumulée mais non avec les autres indicateurs environnementaux: pour ce qui est du potentiel de smog estival (SMOG), les solutions tropicales présentent des valeurs élevées, notamment parce que les surfaces agricoles sont issues du défrichement par brûlis, ou – dans le cas du bioéthanol issu de canne à sucre – parce que les feuilles sèches sont brûlées avant récolte. Il n’est guère surprenant de constater que la fertilisation excessive (EUTR) joue un rôle plus important dans les processus agricoles que dans les carburants fossiles. La canne à sucre brésilienne comme l’huile de palme malaysienne montrent que ces facteurs peuvent diminuer si l’usage des engrais est modéré et que les rendements des surfaces sont élevés. L’écotoxicité (ETOX) montre à nouveau des valeurs élevées pour les cultures issues de surface dégagées par brûlis; la cause en est une évaluation de l’écotoxicité d’émission de l’acétone. Les seuls biocarburants analysés dont les valeurs restent inférieures à celles de l’essence sont l’esterméthylique issu d’huiles comestibles usagées, qui est produit en France, et le méthane produit par des boues usagées ou les déchets biologiques.

En raison des effets de la production agricole sur l’environnement, l’évaluation globale (Illustration 5) de la production suisse de bioéthanol issu de lactosérum indique une charge environnementale inférieure de 30 % (MSE 06) à 50 % (Eco indicator 99) à celle de l’essence. Les autres filières suisses de bioéthanol affichent des charges environnementales globales égales ou inférieures à celle de l’essence. La production et l’utilisation de méthane biogène dégage une charge globale pouvant être inférieure de 30 % (MSE 06) ou de 50 % (Eco indicator 99) à celle de l’essence, même si les émissions de gaz à effet de serre sont parfois plus élevées en raison des pertes de méthane. L’Illustration 5 présente en plus l’intervalle de confiance à l’intérieur duquel 95 % de toutes les valeurs se situent. Cet intervalle prend en compte uniquement les incertitudes dues à la collecte des données inventoriées (pour l’évaluation de la consommation énergétique par exemple) et non pas celles dues à la méthode retenue (par exemple la probabilité de l’apparition d’un cancer liée à l’émission d’un certain taux de substances carcinogènes). Les incertitudes sont faibles, surtout pour la méthode appliquée pour les MSE, mais aussi pour l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre. Elles n'entraînent que rarement des changements dans les valeurs, (de vert à rouge ou inversement). En raison de l’évaluation de l’exploitation des sols, qui est très incertaine, pour des raisons de méthode principalement, l’évaluation Eco indicator de tous les processus agricoles est elle aussi fortement incertaine.

Illustration 6 et Illustration 7 synthétisent les émissions de gaz à effet de serre et l’évaluation environnementale globale de tous les carburants considérés. La zone verte signale une évaluation meilleure pour les deux valeurs que celle des carburants fossiles de référence. Il apparaît ainsi qu’il existe pour tous les types de carburants des filières de production qui se situent dans cette zone verte, et que la plupart de ces filières «vertes» sont celles qui utilisent des déchets ou des résidus. En raison de la présence, dans l’inventaire qui porte sur la culture de la canne à sucre, du pesticide Daconate, à forte teneur en arsenic, cette culture a une forte valeur en écotoxicité selon l’Eco indicator 99, d’où des évaluations MSE 06 et Eco indicator 99 qui diffèrent fortement pour le bioéthanol issu de canne à sucre brésilien. Le grand écart observé pour le bioéthanol issu de pommes de terre s’explique, lui, par la forte pondération donnée à la perte de substances nutritives selon la méthode de saturation écologique 06.

Quels sont les effets de la production de carburants sur l’environnement mesurés à l’aune de la surface agricole exploitée?

Illustration 8 montre quelle quantité de gaz à effet de serre est émise par hectare et par an pour un kilomètre parcouru au moyen de la biomasse produite sur cette surface. Des différences considérables apparaissent ainsi, en ce qui concerne tant l’énergie produite que les émissions de gaz à effet de serre.

La meilleure performance kilométrique est celle du bioéthanol produit par la betterave sucrière suisse, dont le rendement à l’hectare est sensiblement le même que celui de la canne à sucre brésilienne (70 t/an) pour une teneur en saccharose légèrement supérieure en raison de sa teneur en fibre nettement moindre. Mais une comparaison de la performance kilométrique à l’hectare avec le potentiel de gaz à effet de serre à l’hectare met en évidence que le bioéthanol brésilien a le plus grand écart avec la ligne de corrélation, et donc le meilleur rapport.

Si l’on compare différentes formes de culture en Suisse, à savoir l’agriculture PI, l’agriculture extensive et l’agriculture biologique, on constate que les pommes de terre, le seigle, l’herbe et le colza produits en culture extensive dégagent moins de gaz à effet de serre. Mais la performance kilométrique décroît proportionnellement à la baisse des émissions gazeuses, de sorte qu’il n’est guère possible de dégager des avantages nets.

Quelle est l’utilisation de l’énergie produite qui soit la moins nuisible à l’environnement?

Les agents énergétiques biogènes comme le bois, le biogaz et l’éthanol permettent de produire du carburant mais aussi de la chaleur et de l’électricité notamment. Ces différents produits ne présentent pas tous le même intérêt écologique, car ils remplacent chaque fois des parts différentes d’énergie produite par des agents conventionnels, souvent fossiles. Aussi la présente étude a-t-elle consisté, dans une deuxième étape, à mettre en évidence quelle utilisation présentait les nuisances environnementales les plus faibles. Pour ce faire, l’avantage net de différents agents énergétiques biogènes a été calculé au moyen de la formule suivante:

L’unité fonctionnelle utilisée pour cette analyse est une quantité déterminée d’un agent énergétique biogène (1 kg de lactosérum par exemple). Cette quantité permet de produire une quantité déterminée d’énergie à des fins de chauffage, de production de courant électrique ou de transport. La charge environnementale induite par cette production et celle induite par la quantité d’énergie fossile ainsi remplacée sont calculées puis intégrées dans la formule ci-dessus pour connaître l’avantage net.

La présente étude ne vise pas à étudier tous les usages possibles des agents énergétiques biogènes mais se concentre sur les données issues de la première étape, dont les possibilités d’utilisation déjà présentées dans la banque de données ecoinvent. La comparaison est ainsi limitée aux agents énergétiques courants, c’est-à-dire principalement aux agents fossiles.

Voici les résultats de la comparaison de l’avantage pour ce qui est du potentiel de réchauffement global et de l’évaluation globale (avec l’eco indicator 99 et la méthode de la saturation écologique, version 2006), qui sont synthétisés pour tous les agents énergétiques analysés. Le schéma coloré ci-dessous a été utilisé pour ce faire:

Cette échelle montre quel est l’avantage par rapport à la charge environnementale qui résulte de l’utilisation de l’agent énergétique biogène secondaire. Comme l’on vise une utilité nette positive, elle présente une asymétrie de 25% (exemple de calcul: l’utilisation d’un kilogramme de déchets sous forme de carburant produit une utilité nette de 0,13 kg CO2-Eq. La charge nécessaire pour fermenter les biodéchets en méthane est de 0,39 kg CO2-Eq. Le calcul est donc: 0,13 kg/0,39 kg, ce qui équivaut à 33%, qui se situe dans l’échelle à la zone « ~ », comprise entre -25% et +50%).

Les résultats présentés par,Illustration 9 qui concernent les émissions de gaz à effet de serre sont à nouveau corrélées avec la consommation cumulée d’énergie (CCE). Le plus souvent, l’avantage, de 50 % et plus, est supérieur aux nuisances de l’agent énergétique biogène. Le bilan est moins positif pour les boues usagées ou les déchets biologiques, à forte teneur en eau, car leur utilisation demande en général une série d’étapes préalables de séchage qui font appel à l’utilisation fossile.

Procéder à une évaluation globale au moyen des méthodes Eco Indicator 99 et MSE 06 fait apparaître un panorama légèrement moins favorable, comme le montre l’Illustration 10. Il apparaît là encore qu’il n’est pas si simple de trouver un agent énergétique biogène qui se démarque positivement aussi bien pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre que globalement. C’est finalement le lisier (lisier agricole) dont les résultats sont les meilleurs, puisqu’ils sont considérés comme bons à très bons dans les deux méthodes. L’utilisation de biodéchets s’avère par contre nettement moins positive, surtout en raison de la diffusion de métaux lourds due à l’utilisation de lisier dans l’agriculture.

Une comparaison horizontale, qui consiste à mettre en regard différentes utilisations possibles, telles que CETE, carburant, etc., fait systématiquement apparaître des aspects positifs mais aussi des aspects moins positifs, voire carrément négatifs. Pour l’heure, la consommation cumulée d’énergie ne paraît pas très efficace pour l’utilisation d’agents énergétiques biogènes secondaires.

Globalement, les comparaisons font apparaître que le remplacement des traditionnels agents énergétiques fossiles pa les variantes biogènes analysées dans la présente étude a des conséquences positives sur l’émission des gaz à effet de serre. Plus précisément, un tel remplacement diminue les atteintes environnementales. Toutefois, beaucoup de variantes présentent, pour d’autres aspects écologiques, des inconvénients par rapport aux solutions fossiles actuellement utilisées. Bref, l’évaluation écologique globale ne présente pas un résultat qui pencherait exclusivement en faveur des agents énergétiques biogènes, tant s’en faut.

Conclusion

La présente étude montre que la plupart des biocarburants sont pris dans une opposition entre deux objectifs différents, la minimisation des émissions de gaz à effet de serre d’une part et un bilan écologique global positif d’autre part. Car si de nombreux biocarburants permettent de réduire de plus de 30 % les émissions de gaz à effet de serre, la majorité de leurs filières de production présentent pour plusieurs autres indicateurs environnementaux une charge environnementale plus élevée que l’essence. Le transport, y compris l’expédition de biocarburant en Suisse, joue un rôle mineur à cet égard, au contraire du mode de production, dont l’impact est bien plus fort.

Le résultat principal de la présente étude est de montrer que l'essentiel des atteintes environnementales induites par les biocarburants sont causées par la culture des matières premières utilisées. Pour l’agriculture des pays tropicaux, le défrichage par brûlis des forêts tropicales, qui dégage de grandes quantités de CO2, qui pollue l’air et qui détruit la biodiversité, est la principale source d’atteinte à l’environnement. Des directives de certification des biocarburants pragmatiques, qui intègrent cette dimension, à l’instar de celles du Forest Stewardship Council (FSC), sont des plus souhaitables. Sous des latitudes tempérées, ce sont en partie les bas rendements surfaciques, la fertilisation intensive et la mécanisation qui induisent un bilan écologique défavorable. Il s’agit ici de trouver un rapport équilibré entre le revenu énergétique et un impact sur l’environnement limité, en procédant à une sélection judicieuse des espèces et en suivant les récoltes. Le bilan environnemental peut également être amélioré par l’utilisation énergétique des sous-produits agricoles, comme la mélasse ou la paille de sorgho.

Il ressort de la présente étude que l’utilisation énergétique dont le bilan est le meilleur est celle des déchets, résidus ou sous-produits, d’une part parce qu’elle n’implique pas les fortes nuisances provoquées par la préparation de matières premières, d’autre part parce qu’il est possible de réduire les émissions nuisibles à l’environnement qui résultent du traitement des déchets, comme la pollution des eaux due au lactosérum ou les émissions de méthane, par la fertilisation au moyen de lisier non fermenté. Les émissions de méthane, parfois élevées, représentent un facteur critique pour la production et la fabrication de biogaz. Là encore, des mesures ciblées sont la clé pour obtenir de nettes améliorations du bilan énergétique global. Ces mesures peuvent bien sûr consister dans de nouvelles installations, mais aussi dans l'exploration de la piste d’une séparation plus efficace du CO2, pour laquelle des études concrètes s’imposent.

L’utilisation énergétique du bois présente de bons résultats, car les effets sur l’environnement de la fabrication des matières premières sont très faibles. Une technologie d’avenir pourrait consister dans la gazéification du bois, pour autant que les émissions de méthane, qui accroissent l’effet de serre, puissent être réduites par un processus mené dans un espace clos. Si de tels procédés sont encore, bien sûr, de la musique d’avenir, ils ne sont pas dénués d’intérêt, au vu des matières premières limitées et de la concurrence qui règne actuellement dans les modes de mise en valeur.

Globalement, la présente étude montre que la promotion des biocarburants, telle qu’elle pourrait se faire sous la forme de rabais fiscaux par exemple, doit s’effectuer de manière différenciée. Tout biocarburant ne produit pas nécessairement moins d’effets sur l’environnement qu’un carburant fossile. Parmi les filières de production, ce sont actuellement surtout la valorisation des déchets biogènes et du bois ainsi que l’utilisation de l’herbe pour la production d’éthanol dont les effets sur l’environnement sont moindres que ceux des produits fossiles de référence. Toutefois, à la différence des carburants fossiles, il est possible de réduire notablement, par des mesures ciblées, les effets sur l’environnement des biocarburants. On peut escompter, au vu du potentiel d’optimisation, que des évaluations plus pointues seront produites pour les différentes filières de production. Par ailleurs, d’autres procédés récents, qui ne sont pas examinés dans la présente étude, tels que le Biomass to Liquid (BTL) par exemple, ne manqueront pas de prendre de l’importance.

Mais le potentiel de la bioénergie suisse est limité et le restera. Une culture à large échelle à des fins de production d’énergie nuirait à l’auto-suffisance alimentaire du pays et, si elle était extensive, elle pèserait sur l’environnement. Les agents énergétiques biogènes ne sont donc pas une solution à toutes les questions énergétiques qui se posent à nous. Mais si l’on transforme de manière efficace et écologique la biomasse disponible en énergie et que l’on réduit simultanément la consommation en augmentant l’efficacité énergétique, ces supports énergétiques de remplacement peuvent, combinés à d’autres formes d’énergie renouvelables, jouer un rôle non négligeable dans notre approvisionnement futur en énergie.

 
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